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Un nouveau protocole-test pour protéger les orchidées des Courmettes

En 2010, en France métropolitaine, sur les 160 espèces d’orchidées identifiées, 27 étaient menacées d’extinction, et 36 étaient en passe de le devenir*. Sur le Domaine des Courmettes, site classé Natura 2000 géré par A Rocha, 34 espèces ont été recensées, dont 11 sont classées comme espèces protégées en région PACA. Début 2022, notre équipe a décidé de mettre en place un protocole-test de suivi des orchidées pour les préserver de menaces potentielles et suivre l’état écologique du site.

 

© Nicolas Zwellen

Les orchidées : des fleurs sensibles à l’évolution de leur écosystème

Dans le monde, il existe entre 19 000 et 24 000 espèces d’orchidées dont les interactions avec leur environnement varient beaucoup selon les espèces. Leur cycle de croissance annuel est très dépendant de la température de leur écosystème. Par exemple, les orchidées à tubercules ne fleurissent qu’après un état de “dormance”, qui se produit lorsque les températures baissent pendant l’hiver. De même, dans les endroits où les étés sont très chauds, lorsque les ressources en eau sont très limitées, la plante s’adapte et entre dans une phase de « repos ». La croissance de la plupart des orchidées dépend également de leur exposition à la lumière, car la floraison est directement liée à la photopériode (durée du jour). Ainsi, dans le sud de la France, où se trouve la plus grande diversité d’orchidées, la phase de floraison est plus précoce et plus longue que dans le nord du pays.

© Nicolas Zwellen

Les orchidées sont des espèces bio-indicatrices : leur présence et leur évolution reflètent les variations des conditions environnementales, par exemple la fermeture des milieux, le surpâturage ou le changement climatique. L’étude d’espèces bio-indicatrices permet donc de suivre l’évolution d’un écosystème et de son état écologique. Dans notre cas, le Domaine des Courmettes offre une mosaïque de milieux : zones humides, forêts, prairies pâturées et/ou fauchées… Cette variété de milieux mais aussi d’activités humaines (pâturage plus ou moins intensif, fauchage ou non) permet ainsi à des espèces d’orchidées ayant des besoins écologiques différents de s’installer. Suivre ces différentes espèces aux exigences écologiques différentes permet de suivre l’évolution des différents milieux.

 

Les causes de la disparition d’orchidées en France

Cela fait maintenant plusieurs dizaines d’années que les scientifiques ont observé** une diminution significative du nombre d’orchidées en France. Les causes de leur disparition progressive sont notamment :

– La destruction de leurs habitats : beaucoup de biotopes sont victimes de l’urbanisation, de l’agriculture intensive, ou transformés en zones industrielles

– Les fertilisants, herbicides ou produits phytosanitaires : ils polluent les sols et les aquifères et les orchidées sont très sensibles aux perturbations de la rhizosphère (zone du sol où sont les racines)

– La commercialisation : la vente d’orchidées est une activité lucrative, surtout pour les espèces tropicales (ne concerne pas la France)

– Le changement climatique : au niveau local, les moyennes de températures et l’intensité des précipitations modifient l’écosystème

– L’évolution naturelle de leur habitat : la dynamique de végétation indique que les milieux ouverts (peu denses en végétation) ont tendance à se refermer, car gagnés par les ronces, les genêts… et à faire disparaître les orchidées en même temps

 

Test d’un protocole de suivi des orchidées du Domaine des Courmettes pour s’assurer du bon état écologique du site

© David Nussbaumer

Depuis 2018, 34 espèces d’orchidées ont été recensées sur les 600 ha du Domaine des Courmettes, dont 11 sont classées comme espèces protégées en région PACA. Début 2022, Coline Raillon, responsable du pôle nature aux Courmettes, et Alejandra, en volontariat européen, ont mis en place un protocole-test d’étude sur 12 zones avec différents types d’habitats pour :

– Analyser l’effet du pâturage sur la reproduction des orchidées

– Suivre l’évolution des populations d’orchidées sur les zones étudiées

– Analyser l’évolution de leurs habitats (fermeture des milieux, surpâturage, changement climatique)

– Identifier les menaces existantes ou potentielles à leur survie

Cette première année permettra de tester le protocole et de le modifier si nécessaire. Les données collectées en 2022 serviront d’état de référence. Nous comptons poursuivre ce suivi sur le long terme afin de mieux connaître l’évolution de l’état écologique du Domaine et pouvoir, si nécessaire, mettre en place des actions de préservation des différents milieux.

 

*(UICN France, 2009; UICN France, 2015), ** (Bournérias, & Prat, 2005)

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L’Hermite : protéger un papillon vulnérable en France

L’Hermite est un papillon en forte régression en France, où il a disparu de 54 départements depuis les années 1980. Identifié sur le Domaine des Courmettes, nos équipes scientifiques ont démarré une étude pilote pour connaître et estimer la taille réelle de la population sur le site.

L’Hermite : une espèce en danger encore mal connue 

Bien que classé  « En danger » sur la liste rouge régionale PACA et « Vulnérable » au niveau national, l’Hermite n’est pas une espèce protégée en France. La cause principale avancée pour expliquer sa régression est l’abandon du pâturage extensif : l’espèce dépend d’une végétation rase pour pondre et le pâturage permet de maintenir cette végétation rase. Plusieurs autres causes sont en cours d’étude comme par exemple la présence de polluants chimiques dans les plantes consommées par les chenilles. L’Hermite est une des espèces cibles du Plan National d’Actions (PNA) en faveur des papillons de jour.

Malgré les enjeux, peu d’études sur l’Hermite ont été conduites et plusieurs questions demeurent : quelles sont les plantes hôtes utilisées par l’espèce au niveau local ? Quelle est la capacité de dispersion de ce papillon ? Quelles sont les modalités de gestion des sites favorables à l’espèce ? Comment hiérarchiser les facteurs de déclin ?

Une étude pilote aux Courmettes

Le Domaine des Courmettes abrite des habitats favorables à l’espèce (pelouses sèches rases et sols caillouteux) et des individus de l’espèce sont régulièrement observés sur le site. Face au manque de connaissances sur l’écologie de l’espèce, nos équipes ont décidé de démarrer une étude dont les objectifs sont doubles :

– Connaître et estimer la taille réelle de la population sur le site

– En fonction des données et du temps disponible, estimer la durée de vie moyenne des papillons et identifier les plantes-hôtes utilisées par la chenille de l’Hermite

Cette étude s’inscrit dans la déclinaison régionale PACA du PNA (Plan National d’Actions).

Premiers résultats 

En 2021 nous avons observé au minimum une vingtaine d’individus différents, en majorité des mâles (62%). La cartographie des observations des individus ne montre pas de différence de répartition entre les mâles et les femelles. Par ailleurs, si les femelles ont été observées de façon égale tout au long des cinq semaines de l’étude, 70% des mâles ont été observés avant le 15 août, ce qui suggère une activité plus importante en début de période de vol ou une métamorphose plus précoce pour ceux-ci.

Le protocole en lui-même nécessite quelques adaptations, comme modifier les horaires de passage : la majorité des observations ont été réalisées lors des sessions présentant les conditions les moins favorables (couverture nuageuse importante et/ou vent) suggérant que le protocole doit être réalisé en dehors des heures les plus chaudes, tôt le matin et en fin de journée. Il sera également nécessaire d’augmenter le nombre d’individus capturés pour pouvoir réaliser les analyses permettant de répondre aux objectifs de l’étude.

Nous prévoyons de poursuivre l’étude au cours de l’été 2022 et des discussions avec d’autres partenaires sont en cours pour monter une étude inter-régionale sur l’espèce en 2023.

Le rapport d’étude complet est accessible ici.

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Etude de l’impact de l’écobuage sur les oiseaux nicheurs des marais

Situés en Camargue, au sud de la Vallée des Baux, les marais de Port-Saint-Louis-du-Rhône s’étendent sur plus de 500 hectares et sont constitués en partie de marais dit “à marisque”, car recouverts par le Cladium mariscus, une espèce de roseau rare sur la zone côtière méditerranéenne. La gestion de ces marais est réalisée via une pratique agricole ancestrale appelée « écobuage », qui consiste à brûler les roseaux afin de réouvrir le milieu et favoriser sa consommation par le bétail. Cependant, les effets de cette pratique sur les oiseaux nicheurs des marais à marisque sont mal connus. Le Parc Naturel Régional de Camargue a confié à A Rocha la mission d’étudier les effets de cette pratique sur les oiseaux nicheurs.

 

Zoom sur l’écobuage : le feu comme outil de gestion pastorale

L’écobuage est une méthode de gestion des milieux ouverts qui est largement employée à travers la planète, notamment pour ouvrir un milieu ou augmenter la ressource pastorale accessible au bétail. Cette méthode est utilisée dans de nombreux types d’habitats, depuis la savane herbacée d’Afrique de l’Est, jusqu’au maquis montagnard pyrénéen, à la garrigue méditerranéenne ou encore aux zones humides.

Le feu a un fort impact sur la faune et la flore des habitats naturels écobués, et notamment sur les communautés d’oiseaux. Cependant, cet effet varie en fonction du type d’habitat impacté. De nombreuses études montrent une abondance et une diversité d’espèces d’oiseaux accrue immédiatement après l’incendie, puis un rétablissement rapide au niveau précédent l’incendie. A l’inverse, d’autres études indiquent une forte diminution de la diversité et de l’abondance des oiseaux, puis un retour plus ou moins rapide aux niveaux initiaux.

 

 

Notre site d’étude : les marais à marisque de Port-Saint-Louis-du-Rhône

Les marais à marisque couvrent de larges surfaces au sein des marais de la vallée des Baux et des marais d’Arles, où ils  bénéficient des résurgences d’eau douce de la nappe phréatique de la Crau. Le site des marais de Port-Saint-Louis-du-Rhône est connu pour son importante population de Butor étoilé et de passereaux paludicoles rares. Localement, il fait l’objet d’une gestion de la végétation par écobuage, organisée depuis quelques années au moyen d’un plan de rotation des feux.  Aujourd’hui, il existe très peu de données sur les effets des écobuages sur les marais à marisque, et aucune à notre connaissance sur l’effet de ce mode de gestion sur les communautés d’oiseaux nichant dans cet habitat.

L’objectif de l’étude était donc d’évaluer l’impact de l’écobuage sur les oiseaux nicheurs des marais à marisque de Port-Saint-Louis-du-Rhône, et plus particulièrement sur : 

– le Butor étoilé

– trois passereaux : la Lusciniole à Moustaches, la sous-espèce locale du Bruant des Roseaux Emberiza schoeniclus witherbyi et la Locustelle Luscinoïde

– le cortège de passereaux paludicoles

Butor étoilé

Butor étoilé (Emberiza schoeniclus) © Jamie Hall

 

L’écobuage impacte fortement les oiseaux des marais à marisque

Notre étude montre que les écobuages impactent fortement les passereaux. Les cortèges d’espèces diffèrent sensiblement entre les parcelles récemment écobuées et les plus anciennes, et l’abondance de passereaux et leur diversité tendent à augmenter avec l’ancienneté des écobuages. Cependant, les espèces présentes sur la zone d’étude réagissent différemment : l’écobuage favorise le Bruant des Roseaux. Au contraire, la Lusciniole à Moustaches et la Locustelle luscinoïde ne nichent que sur les parcelles écobuées depuis plus de trois ans.

Un plan de rotation des écobuages permettant une mise au repos des parcelles pendant au moins quatre ans serait favorable au maintien de l’ensemble des espèces de passereaux paludicoles du site. L’importance des effectifs des passereaux paludicoles recensés et de la population de Butor étoilé font de la conservation et de la bonne gestion du site des enjeux majeurs pour la conservation de ces espèces dans le Sud de la France.

Dans le futur, la programmation de recensements réguliers annuels ou pluriannuels permettrait de connaître l’évolution des effectifs de ces populations et d’adapter les mesures de gestion en faveur de l’une ou l’autre espèce.

 

Découverte d’une population remarquable de Bruants des Roseaux 

Notre étude a également permis de recenser la population de la sous-espèce locale de Bruant des Roseaux qui a la spécificité d’avoir un gros bec. Appelée “witherbyi”, cette sous-espèce n’est présente que dans le Sud de la France et en Espagne où elle est au bord de l’extinction. Avec plus de 100 couples nicheurs, les marais de Port-Saint-Louis abritent vraisemblablement la plus grosse population mondiale de cette sous-espèce menacée, ce qui constitue un enjeu de conservation considérable pour le site. 

Nous espérons que de futures études permettront d’étendre les prospections aux marais adjacents et de mettre en place un plan de conservation spécifique pour cette sous-espèce.

Télécharger le rapport d’étude complet